Du congé parental à l’aventure entrepreunariale
Coaching, Société
4 décembre 2020
[social_warfare]
Dans l’inconscient collectif, la vision sociétale de la parentalité reste assujettie à l’efficacité économique. Heureusement cette vision évolue, et nous en sommes les actrices et les acteurs. Comment en arrive-t-on à l’envie d’entreprendre ? Comment passe-t-on d’une vision pas toujours valorisante ni valorisée du temps éducatif, parental, à un projet d’entrepreneuriat ?
Retranscription de la conférence sur l’entrepreneuriat
Bonjour et bienvenue à toutes et à tous qui êtes présentes et présents chez vous. Merci de prendre le temps de nous écouter pour avancer avec nous sur le chemin de la parentalité et de l’entrepreneuriat.
Je tiens à remercier du fond du cœur Marina Patroucheva et Barbora Rezkova qui ont œuvré contre vents et marées pour que cet événement unique et indispensable ait lieu et de m’offrir cette tribune.
J’aimerais introduire ce débat par un questionnement, après tout je suis coach et c’est mon travail de poser des questions. J’aimerais, en votre compagnie, mettre en perspective deux mots courants du vocabulaire français en rapport avec la thématique de parentalité qui nous réunit aujourd’hui.
1. L’inconscient collectif et la notion de parentalité
1.1. Le « congé » maternité ou parental
Le premier, c’est le mot « congé maternité », un terme utilisé depuis fort fort longtemps, 1909 pour être précise, qui est rentré dans notre vocabulaire courant, suivi, plus récemment, de celui de congé parental d’éducation puis de celui de congé paternité. Ce qu’on entend et que je veux vous faire remarquer ici, c’est le mot congé.
En droit du travail, la notion de congé est une absence autorisée prolongée du travail, pour quelque raison que ce soit. Mais nous, dans notre quotidien, à quoi nous renvoie le terme de congés ? Aux congés payés … autrement dit aux vacances, au repos, au farniente !
Or nous le savons bien, nous, les mamans, qui avons donné naissance à un ou plusieurs enfants : le congé mat’ c’est tout sauf un congé, c’est tout sauf des vacances, c’est tout sauf une vacance. C’est au contraire une présence très forte, une disponibilité énorme, sans commune mesure avec ce que nous pouvons connaître dans une vie professionnelle ou même sociale, parce que cette présence est nécessaire non-stop, 24 heures sur 24, et qu’il n’y a pas de répit à la présence autour d’un nouveau-né complètement dépendant de nous, si ce n’est les quelques heures de sommeil grappillées par-ci par là ou les moments où quelqu’un d’autre va s’occuper du bébé. Et ça ne s’améliore pas quand bébé grandit … Tout, sauf des vacances, donc, et pourtant, on parle de congé.
Et comme dans l’imaginaire collectif, congé est synonyme de vacances, il n’est pas rare que les gens – ceux qui n’ont pas eu d’enfants eux-mêmes – t’envient d’avoir plusieurs mois devant toi où tu ne vas rien faire (pas travailler à l’extérieur, donc pas gagner de sous, donc être globalement un peu inutile), te reposer et plus généralement passer tes journées à jouer à Candy Crush ou à faire du shopping en ligne, parce que, c’est bien connu, un bébé ça dort beaucoup !
1.2. La « parenthèse » dans la vie professionnelle
Autre mot auquel j’aimerais vous inviter à réfléchir : le mot parenthèse.
Lorsque l’enfant paraît, on entend parfois que le congé maternité ou le congé parental c’est une parenthèse dans notre vie professionnelle.
La parenthèse, c’est ce double signe de ponctuation qui isole un mot ou une phrase que l’on veut placer à part du texte. Si j’extrapole cette notion de parenthèse à la vie d’une maman, j’entends qu’elle va sortir du contexte de l’entreprise pendant un certain temps, celui de son congé maternité ou parental – ouvrez la parenthèse – pour revenir à son poste ou plus largement sur le marché du travail à un moment donné – fermez la parenthèse.
C’est simple, clair et net. Enfin sur le papier. C’est en tout cas ce que j’ai cru quand j’ai donné naissance à mon premier enfant. Je faisais alors carrière dans une multinationale pharmaceutique et je croyais fermement à cette notion de parenthèse, qui pour moi se déclinait en 5 temps : je suis enceinte – j’accouche – j’allaite – je sèvre et je reviens au travail ni vu ni connu. Scénario à la Netflix, sans surprises.
Sauf que …. je n’avais pas prévu un détail, je n’avais pas prévu que j’allais devenir une autre personne. Et que cette vision mécanique du congé maternité, occultait l’essentiel : l’aventure humaine qui se joue à la naissance d’un enfant.
Non, donner naissance à un enfant, ce n’est pas une parenthèse dans notre vie, c’est une nouvelle étape, décisive, définitive, parce que nous ne serons plus jamais les mêmes. Devenir maman, c’est changer d’état, comme quand on passe de l’enfance à l’adolescence, et il n’y a pas de retour en arrière possible. La naissance d’un enfant nous redéfinit, chaque nouvelle naissance d’ailleurs nous redéfinit, mais plus particulièrement la première parce que l’on passe du statut et du fonctionnement d’un couple ou d’une personne seule à celui d’une famille et l’on devient qu’on le veuille ou non, qu’on en soit consciente ou non, cheffe d’une entreprise familiale.
J’ai voulu jouer avec ces mots, parce qu’un mot n’est jamais neutre, pour mettre en évidence ce qui se joue dans l’inconscient collectif, dans la vision sociétale de la parentalité, une vision assujettie à l’efficacité économique du système dans lequel nous vivons. Heureusement cette vision évolue, et nous en sommes les actrices et les acteurs. Alors comment en arrive-t-on à l’envie d’entreprendre ? Comment passe-t-on d’une vision pas toujours valorisante ni valorisée du temps éducatif, parental, à un projet d’entrepreneuriat ?
2. Le « New Deal »
Avant de répondre à cette question, j’aimerais vous faire naviguer dans le cheminement que suivent les mamans. Il se divise 3 grandes étapes et aboutit à ce que j’appelle le New Deal, une nouvelle distribution des cartes.
2.1. Le choc de la maternité
Parce qu’une maman, la première chose qui lui arrive, c’est un choc ! Oui, un choc parce qu’elle a idéalisé son enfant. Elle a projeté sur ce bébé en devenir des idéaux qui vont retomber comme un soufflé. Ce choc sera plus ou moins important en fonction de ses attentes. Je me souviens d’avoir vécu personnellement une grande détresse quand je voyais mon bébé pleurer et que je ne savais plus quoi faire pour calmer ses pleurs ! Dans les magazines comme Parents, on ne voyait que des bébés souriants, buvant avec délectation le lait de leur mère. Alors qu’est-ce qui n’allait pas chez moi ?
2.2. La période d’acceptation
Une fois ce premier choc passé, vient une période d’adaptation pendant laquelle peuvent naître des sentiments de culpabilité, de honte, de colère, de solitude, d’incompréhension, etc. Tout dépend bien entendu du réseau de soutien de la maman. Si elle est bien entourée par son compagnon, ses parents, beaux-parents, etc. cette phase d’adaptation se fera plus vite et dans de meilleures conditions parce qu’elle pourra se reposer sur d’autres personnes pour prendre en charge son enfant et pour partager ses difficultés.
2.3. La réorganisation ou le « New Deal »
Enfin arrive la 3ème phase qui est celle de la réorganisation de la vie de famille, celle que j’appelle le New Deal. C’est le moment où un nouvel équilibre est trouvé, même s’il est encore précaire, une certaine routine s’installe au quotidien. Chaque membre de la famille, parents ou enfants plus grands, a des rôles définis au moins implicitement et qui permettent la bonne marche de la TPE de 3 têtes ou plus. Le retour au travail de la maman, quand il est prévu, accélère la mise en place de ce New Deal pour des raisons matérielles et pratiques.
Bien entendu, cette nouvelle distribution des cartes et des rôles n’est pas gravée dans le marbre et peut vaciller si les circonstances extérieures l’imposent, par exemple, en cas de maladie ou d’hospitalisation, de licenciement, de séparation, etc.
Je disais en parlant du mot « parenthèse » que faire naître un enfant faisait de nous de nouvelles personnes, des femmes différentes, et qu’au fil de cette aventure humaine qu’est la maternité, nous acquérons de nouvelles compétences qui font naître de nouvelles valeurs et donc de nouvelles envies, dont parfois celle de l’entrepreneuriat.
3. Nouvelles valeurs
Ces nouvelles compétences apportent une réelle valeur ajoutée à la vie de famille et par extension à la vie en société. Ce sont des compétences utiles et nécessaires au sein d’une entreprise et qui doivent être valorisées comme telles. Ce sont elles qui font des mamans les candidates toutes désignées à l’entrepreneuriat.
Pour n’en citer que quelques unes :
- Organisation du calendrier familial
- Planification des tâches éducatives et ménagères
- Gestion budgétaire
- Coaching parental et parfois conjugal
- etc.
Fortes de ces nouveaux savoir-faire, de nouvelles valeurs éclosent progressivement chez les mamans :
Nous constatons d’abord une plus grande confiance en soi. Avoir créé la vie, avoir mis au monde un petit être si parfait, ça nous donne un sentiment de puissance, d’accomplissement.
Mais en même temps, au gré des difficultés éducatives que nous allons traverser, des incertitudes vont nous assaillir. Est-ce que je suis une bonne mère ? Est-ce que je fais les bons choix ? Mon enfant va-t-il réussir dans la vie ? Va-t-il être heureux ?
Ce contraste entre la toute-puissance maternelle et la vulnérabilité, la confiance et le doute, nous façonne et nous amène à nous remettre régulièrement en cause.
Elle nous oblige aussi à travailler nos valeurs de résilience.
Nous nous intéressons davantage à la transmission : la protection de l’environnement, la question de la planète que nous allons laisser à nos enfants, est un sujet auquel nous devenons plus attentives.
La qualité de vie, la nôtre et celle de nos enfants nous paraît importante et c’est souvent ce qui est à l’origine d’un engagement associatif : crèche parentale, association sportive, etc.
L’équilibre de vie, entre notre vie personnelle et notre vie professionnelle, devient une préoccupation centrale qui peut nous pousser à nous tourner vers l’entrepreneuriat.
Tout comme le besoin d’indépendance.
C’est en tout cas le choix que j’ai fait.
Parce que je n’ai pas fini mon histoire : si vous voulez savoir ce que j’ai fait quand mon premier enfant n’était encore qu’un bébé, destiné à grandir avec une nounou : j’ai quitté mon poste prestigieux pour lui offrir ce que nous les mamans et les papas pouvons le mieux apporter à nos enfants : un temps de présence, une présence de qualité. Je me suis lancée dans l’entrepreneuriat et je ne l’ai jamais regretté.
Entrepreneuriat et maternité : un parcours cohérent
La valorisation du temps éducatif, du « congé » maternel ou parental, de la « parenthèse » professionnelle est absolument essentielle. Essentielle pour nos enfants, et la société qu’ils construiront demain, essentielle pour nous aussi qui avons besoin d’être alignées sur des valeurs qui nous ressemblent.
Reste à en convaincre le reste de la société et surtout reste à nous en convaincre nous-mêmes !
Je terminerais mon intervention sur une citation de Christiane Singer qui disait :
« Nous élevons nos enfants mais ce sont eux qui nous font grandir. »
Je vous remercie pour votre attention.
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Barbara Reibel
Coach Happiness, Auteure et Blogueuse
Fondatrice du site Happiness Factory et du blog En 1 mot